DESSOUS CHICS
“Il te préfère en string
Plutôt qu’en training”
Christophe Flubacher
Nuisettes de satin, strings ornés de dentelles fines, gazes de tulle transparent, froufrous en batiste brodé de fil d’argent, doux écrins vaporeux, au royaume du lin et de la soie, où se rêvent le galbe soyeux d’un sein, le corps sage d’une femme. Ce sont des gravures de grand format et toute l’originalité de la démarche est d’avoir déposé la lingerie fine à même le support et de l’avoir passée sous la presse, plutôt que de l’avoir dessinée. En forme de trompe-l’œil, Pierre Zufferey inaugure la série avec un grillage, oui, un grillage, un simple grillage, de ceux que l’on destine à la fermeture des clapiers à lapins ou au pourtour d’un poulailler. Le maillage hexagonal du fil de fer imite à la perfection le tissu résille des bas, des mitaines, des voilettes ou encore des chandails, conçus pour surligner la courbe du corps des femmes, de le couvrir tout en le montrant, en y ajoutant une incomparable connotation érotique, sexuelle voire fétichiste. Non sans humour, Pierre Zufferey exacerbe là encore notre pouvoir de suggestivité. Il torsade le désir et galvanise le fantasme avec un simple ouvrage de serrurerie, en libre accès chez n’importe quel quincailler.
Lingerie pour les femmes, sous-vêtements pour les hommes, telle est déjà, écrit Loïc Larrère, dans la dénomination de ces dessous, « la marque d’une différenciation des sexes. Le nom de lingerie, synonyme de rêve, de fantasme et de séduction révèle cette construction dans l’imaginaire collectif du rapport entre l’homme et la femme. Le sous-vêtement paraît plus banal, plus insipide. Nous nous prenons à rêver à cette intimité semi-voilée par une dentelle, à la caresse délicate d’une soie, ou encore au claquement d’une jarretelle sur la cuisse[1]. » Pierre Zufferey entretient délicieusement ce rêve érotique-voilé qu’évoquait André Breton dans L’Amour fou : rêver ce qui est invisible à partir de ce qu’il est permis de voir[2].